LA MAÎTRISE DE PLUSIEURS LANGUES REND PLUS PRODUCTIF!

NICOLAS BOUZOU, patron du cabinet de recherche économique Asterès, publie un rapport sur l’apprentissage des langues étrangères par les salariés. Seuls quatre Français sur 10 affichent une maîtrise correcte d’une seconde langue.

Le niveau des salariés français en langues étrangères s’est-il amélioré?

Il n’existe pas aujourd’hui d’étude à l’échelle nationale. En revanche, une étude européenne a cherché à mesurer la part de personnes déclarant parler suffisamment bien des langues étrangères pour participer à une conversation. Entre 2006 et 2012, la part des Français déclarant bien parler anglais est passée de 36% à 39%. Cela reste faible. Au Portugal, cette proportion a reculé de cinq points, alors qu’elle a augmenté de 15 points en Autriche.

Vous expliquez qu’une entreprise dont 10% des salariés maîtriseraient une langue étrangère verrait son chiffre d’affaires croître de 1,53%.

Comment arrivez-vous à ce résultat?

Notre modèle s’appuie sur la théorie néoclassique du marché du travail selon laquelle le salaire est représentatif de la productivité des salariés, productivité qui se répercute sur le chiffre d’affaires. Or il est documenté que les gains cognitifs conférés par l’apprentissage puis la maîtrise d’une langue étrangère augmentent la productivité du salarié, ce qui se traduit en moyenne par une hausse de 7000 euros brut sur le salaire annuel d’un actif maîtrisant correctement la langue.

Plus largement, quel est l’impact de l’apprentissage des langues sur la croissance?

Au niveau individuel d’abord, les personnes qui maîtrisent ou apprennent une langue étrangère ont plus de chance de trouver un travail et moins de risques de le perdre que les monolingues. Les entre­prises recrutent plus facilement les bilingues que les monolingues, à compétences égales par ailleurs. De plus, les personnes apprenant ou maîtrisant une langue étrangère seraient, selon les neurosciences, plus créatives et adaptables, ce qui les rend plus productives et leur permet de mieux gagner leur vie que les monolingues. Au niveau de l’entreprise, la productivité accrue des mul­tilingues se traduit par une hausse du chiffre d’affaires. Au niveau macroéconomique enfin, plus la part de Français maîtrisant des langues étrangères sera élevée, plus les exportations augmenteront.

Est-ce à dire qu’une partie de notre déficit commercial est liée au fait que nos chefs d’entreprise ne sont pas très polyglottes?

Les chefs d’entreprises interrogés soulignent leurs difficultés à recruter des candidats ayant les compétences linguistiques requises pour le poste visé. La question des compétences linguistiques est donc bien présente. Ces travaux ne posent pas la question des compétences linguistiques des dirigeants eux-mêmes mais on peut raisonnablement penser que c’est un problème…

Quels secteurs seraient les plus bénéficiaires d’une amélioration du niveau en langues étrangères?

L’effet est plus fort sur les services que sur les biens car les échanges interpersonnels, au centre des prestations de services, gagnent en valeur s’ils ont lieu dans la langue du client. Un prestataire a tout intérêt à maîtriser la langue des marchés qu’il compte desservir. Le tourisme, en particulier, réagirait plus fortement que l’ensemble des services. La France, première destination touristique au monde et tournée vers le tertiaire, pourrait largement bénéficier de plus fortes compétences linguistiques.

Interview Raphaël Legendre

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